Le monde est froid et blanc. On a beau être en avril, le printemps n’a pas encore chassé la neige de la campagne norvégienne. Des coups de feu résonnent au loin, prouvant que les combats font toujours rage quelque part entre le fjord et la forêt et, pourtant, nous sommes une poignée à nous regarder en chiens de faïence derrière la ligne de front, chargeurs vidés, sans aucune envie de nous sauter à la gorge ni de rejoindre nos compatriotes respectifs. Comme si notre volonté s’était évanouie avec nos dernières balles. Je compte trois Norvégiens et deux Allemands, dont moi.
Voilà huit jours que j’ai posé le pied à Trondheim, soldat anonyme au cœur d’un des bataillons déployés par le Reich, « pour sécuriser la route du fer », ai-je cru comprendre. C’est à peine si l’on a daigné nous expliquer ce que nous faisions là. Après tout, nous ne sommes que des soldats sans qualification particulière, juste bons à obéir aux ordres. Les officiers se sont donc contentés de nous envoyer vers le nord, le long de la voie ferrée, à la rencontre des Anglais.
Vers le crépuscule est une nouvelle d’Ophélie Bruneau, dont le premier roman, Et pour quelques gigahertz de plus, est paru l’année passée chez Ad Astra,
illustrée par Michelle Bigot.
Elle est disponible aux formats ePub (858 Ko) et Mobi (832 Ko).